Une salle.
Entrent LE BARON et MAÎTRE BLAZIUS.
Maître Blazius
Seigneur, j’ai un mot à vous dire ; le curé de la paroisse est un ivrogne.
Le Baron
Fi donc ! cela ne se peut pas.
Maître Blazius
J’en suis certain ; il a bu à dîner trois bouteilles de vin.
Le Baron
Cela est exorbitant.
Maître Blazius
Et en sortant de table il a marché sur les plates-bandes.
Le Baron
Sur les plates-bandes ? — Je suis confondu. — Voilà qui est étrange ! — Boire trois bouteilles de vin à dîner ! marcher sur les plates-bandes ! C’est incompréhensible. Et pourquoi ne marchait-il pas dans l’allée ?
Maître Blazius
Parce qu’il allait de travers.
Le Baron, à part
Je commence à croire que Bridaine avait raison ce matin. Ce Blazius sent le vin d’une manière horrible.
Maître Blazius
De plus, il a mangé beaucoup ; sa parole était embarrassée.
Le Baron
Vraiment, je l’ai remarqué aussi.
Maître Blazius
Il a lâché quelques mots latins ; c’étaient autant de solécismes. Seigneur, c’est un homme dépravé.
Le Baron, à part.
Pouah ! ce Blazius a une odeur qui est intolérable. — Apprenez, gouverneur, que j’ai bien autre chose en tête et que je ne me mêle jamais de ce qu’on boit ni de ce qu’on mange. Je ne suis point un majordome.
Maître Blazius
À Dieu ne plaise que je vous déplaise, monsieur le baron. Votre vin est bon.
Le Baron
Il y a de bon vin dans mes caves.
Maître Bridaine, entrant.
Seigneur, votre fils est sur la place, suivi de tous les polissons du village.
Le Baron
Cela est impossible.
Maître Bridaine
Je l’ai vu de mes propres yeux. Il ramassait des cailloux pour faire des ricochets.
Le Baron
Des ricochets ? ma tête s’égare ; voilà mes idées qui se bouleversent. Vous me faites un rapport insensé, Bridaine. Il est inouï qu’un docteur fasse des ricochets.
Maître Bridaine
Mettez-vous à la fenêtre, monseigneur, vous le verrez de vos propres yeux.
Le Baron, à part.
Ô ciel ! Blazius a raison ; Bridaine va de travers.
Maître Bridaine
Regardez, monseigneur, le voilà au bord du lavoir. Il tient sous le bras une jeune paysanne.
Le Baron
Une jeune paysanne ? Mon fils vient-il ici pour débaucher mes vassales ? Une paysanne sous le bras ! et tous les gamins du village autour de lui ! Je me sens hors de moi.
Maître Bridaine
Cela crie vengeance.
Le Baron
Tout est perdu ! — perdu sans ressource ! — Je suis perdu ; Bridaine va de travers, Blazius sent le vin à faire horreur, et mon fils séduit toutes les filles du village en faisant des ricochets.
Il sort.
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