On ne badine pas avec l'amour - Acte I - Scène 5

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Une salle.
Entrent LE BARON et MAÎTRE BLAZIUS.

Maître Blazius

Seigneur, j’ai un mot à vous dire ; le curé de la paroisse est un ivrogne.

Le Baron

Fi donc ! cela ne se peut pas.

Maître Blazius

J’en suis certain ; il a bu à dîner trois bouteilles de vin.

Le Baron

Cela est exorbitant.

Maître Blazius

Et en sortant de table il a marché sur les plates-bandes.

Le Baron

Sur les plates-bandes ? — Je suis confondu. — Voilà qui est étrange ! — Boire trois bouteilles de vin à dîner ! marcher sur les plates-bandes ! C’est incompréhensible. Et pourquoi ne marchait-il pas dans l’allée ?

Maître Blazius

Parce qu’il allait de travers.

Le Baron, à part

Je commence à croire que Bridaine avait raison ce matin. Ce Blazius sent le vin d’une manière horrible.

Maître Blazius

De plus, il a mangé beaucoup ; sa parole était embarrassée.

Le Baron

Vraiment, je l’ai remarqué aussi.

Maître Blazius

Il a lâché quelques mots latins ; c’étaient autant de solécismes. Seigneur, c’est un homme dépravé.

Le Baron, à part.

Pouah ! ce Blazius a une odeur qui est intolérable. — Apprenez, gouverneur, que j’ai bien autre chose en tête et que je ne me mêle jamais de ce qu’on boit ni de ce qu’on mange. Je ne suis point un majordome.

Maître Blazius

À Dieu ne plaise que je vous déplaise, monsieur le baron. Votre vin est bon.

Le Baron

Il y a de bon vin dans mes caves.

Maître Bridaine, entrant.

Seigneur, votre fils est sur la place, suivi de tous les polissons du village.

Le Baron

Cela est impossible.

Maître Bridaine

Je l’ai vu de mes propres yeux. Il ramassait des cailloux pour faire des ricochets.

Le Baron

Des ricochets ? ma tête s’égare ; voilà mes idées qui se bouleversent. Vous me faites un rapport insensé, Bridaine. Il est inouï qu’un docteur fasse des ricochets.

Maître Bridaine

Mettez-vous à la fenêtre, monseigneur, vous le verrez de vos propres yeux.

Le Baron, à part.

Ô ciel ! Blazius a raison ; Bridaine va de travers.

Maître Bridaine

Regardez, monseigneur, le voilà au bord du lavoir. Il tient sous le bras une jeune paysanne.

Le Baron

Une jeune paysanne ? Mon fils vient-il ici pour débaucher mes vassales ? Une paysanne sous le bras ! et tous les gamins du village autour de lui ! Je me sens hors de moi.

Maître Bridaine

Cela crie vengeance.

Le Baron

Tout est perdu ! — perdu sans ressource ! — Je suis perdu ; Bridaine va de travers, Blazius sent le vin à faire horreur, et mon fils séduit toutes les filles du village en faisant des ricochets.

Il sort.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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